La première, troublante Rafflesia, évoque le sort d’un jeune ingénieur français employé à Sumatra dans une exploitation de la forêt tropicale, sous le régime de Suharto qui a fait assassiner des centaines de milliers de communistes. En défendant un salarié, l’ingénieur entre en conflit avec ses patrons liés à la dictature. Il disparaît dans la jungle, comme fasciné par une fleur monstrueuse, la rafflesia, dont le nom signifie “piège”.
Le deuxième récit, une saison à l’alpage, trace le destin d’un professeur, obsédé par la disparition inexpliquée, bien après la guerre civile, d’un républicain espagnol.
La troisième histoire, est intitulée Fin de parti(e) à Rome. Une architecte très lancée dans la haute société a gardé un contact amical avec son ancien amant, intellectuel aujourd’hui carrément SDF. Ils s’étaient connus au cours d’une manifestation communiste au moment où le PCI avait arraché la mairie de Rome à la démocratie chrétienne. Maintenant, l’architecte vit seule avec son fils, fruit d’une autre liaison volontairement éphémère.. Mais ce fils s’émancipe, ce qui est l’occasion de scènes particulièrement réussies sur le Pincio où le garçon fréquente un jeune fasciste et rencontre une fille noire. Revoyant son ancien amant, l’architecte prend conscience qu’elle a passé…sur l’autre versant de la nuit…
Un dernier court chapitre, le retour de M.Chod’L montre l’auteur des Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos (déjà évoqué précédemment), revenant aujourd’hui à Grenoble en TGV, y rencontrer Stendhal, jeune étudiant en mathématiques, et lui dire : “Il en est de la révolution comme d’une équation. Même si l’inconnue n’a pas les traits dont vous avez rêvé, il faut la mener à son terme.” Là est le discret message que René Ballet laisse, non sans art, à ceux -nombreux- qui se débattent encore sur l’autre versant de la nuit.
Michel Buenzod – Gauchebdo
Il est une part d’arbitraire dans tout récit fictionneI…René Ballet réserve cette part d’arbitraire à la juxtaposition de destins dont il souligne l’hétérogénéité : ils ne pouvaient se rencontrer qu’à l’intérieur d’un roman forcément, donc, éclaté… Il faudrait longuement parler de la poétique de l’écrivain. Retenons simplement un jeu de correspondances tissé entre les trois récits, les reliant pour leur conférer une unité de représentation, doter chacun de ces éclats d’un statut de symptôme d’une totalité…
Jean Sénégas – Cahiers Roger Vailland
L’écrivain vanvéen René Ballet vient de publier « Sur l’autre versant de la nuit » aux éditions Le temps des cerises. Dans ce roman « éclaté » au titre intriguant, l’histoire a dérapé, le puzzle a été dispersé. Les personnages ont failli se rencontrer, leurs espoirs auraient pu se croiser. Ce livre dont le processus d’écriture peut sembler déroutant tient le lecteur en haleine… les pièces du puzzle seront elles rassemblées ? Ami de l’écrivain Roger Vailland qui l’a incité à écrire son premier roman, René Ballet signe là son 11e roman. Cet ancien grand reporter cofondateur du Prix Roger Vailland qui couronne un premier roman non édité est notamment l’auteur de « Echec et mat », « L’organidrame », « le domaine du bout de l’île », « La Manipulation » et de nombreux essais.