L’Affaire antigone (1991)
Pièce mise en scène par Christine Farré, théâtre de la clef à Paris
Le nom d’Antigone évoque la Grèce antique. L’Affaire antigone, elle, raconte une histoire d’aujourd’hui. Elle pose une question -oh combien actuelle !-: peut-on récrire, refaire l’histoire, transformer une sanglante mais grandiose tragédie en comédie de boulevard ?
La pièce révèle quelques-uns des procédés utilisés. La loi de l’argent pesant sur les créateurs (symbolisée par l’intervention de l’huissier). Les moyens de pression sur l’opinion: grands médias et sondages. Le rôle anesthésiant du faux discours humaniste. Ce sont les traits du nouveau totalitarisme (moderne, propre, “cool”) qui prend la relève de Créon, le vieux tyran primitif, dépassé. Réussira-t-il à s’imposer? On peut le craindre. Même Antigone semble sur le point de renoncer. Jusqu’à son sursaut final. Espoir ? L’auteur n’apporte pas de réponse. Il étale les pièces de l’Affaire Antigone. Au spectateur de juger, de prendre parti.
La forme de la pièce évolue au cours de l’action. De la prose tragique de Sophocle à la comédie satirique. Avec intervention de l’audiovisuel pour que le spectateur assiste en direct à la transformation de l’Antigone du refus en une Antigone du renoncement, de la vraie Antigone en une Antigone de synthèse.
L’Affaire antigone est une farce mais une farce tragique, car c’est d’une des grandes menaces de notre époque qu’elle traite.
René Ballet