L’impossible portrait – Paul Vaillant-Couturier – (Choix de textes) – (Editions Le réveil des combattants, 1992)

Paul Vaillant-Couturier “ Un portrait criant de vérité !”, a-t-on coutume de dire devant certaines photographies. Il faut se méfier des expressions toutes faites, du “prêt-à-parler”. Un tel portrait ne peut être que “criant de mensonge”. Comment peut-on prétendre immobiliser, figer, éterniser, résumer des décennies de vies humaines en un 250 ème de secondes ? Aussi ne me hasarderai-je pas à tenter de faire l’impossible portrait de Paul Vaillant-Couturier. Je préfère le procédé des calques. Superposer des calques successifs et contradictoires. Ceux du poète précieux… et du fondateur de l’aviation populaire. Du dirigeant communiste…et du “braco”. D’un auteur de drame lyrique mystique.., et de pièces d’agit’prop. D’un homme qui a un siège à la Chambre des députés…et un numéro matricule à la prison de la Santé. Du petit garçon modèle de Passy…et du tribun populaire. Du pamphlétaire “rouge”…et du compositeur de chansons de campeurs. Ajoutez-y ceux du défenseur du droit à l’amour, de l’amateur de “bonnes bouffes entre copains” et du passionné de radio, de cinéma et de télévision (dès 1935).

Et ne vous rassurez-vous pas trop vite en comptant sur la chronologie pour résoudre ces contradictions. Là encore, méfiez-vous des expressions toutes faites : le temps n’arrange – n’efface – pas tout. Le temps n’efface même rien du tout. Chaque trace, chaque ride nouvelles s’ajoutent aux anciennes. Pour les approfondir ou les troubler. Jamais pour les gommer. Cette illusion dissipée, regardons la superposition des calques. “Ça bouge”, protesterez-vous.
Exactement. Comme la vie d’un homme et, à plus forte raison, d’un homme nommé Paul Vaillant-Couturier. A défaut d’encadrer son portrait bien “posé”, remontons le cours de sa vie.

René Ballet


Qu’est-ce qui peut bien faire de l’étudiant modèle de Janson-de-Sailly, du jeune poète fréquentant les salons littéraires de la capitale, du jeune avocat promis à un bel avenir, de ce fils de la soprano Marguerite Vaillant et du baryton Félix Couturier, le révolutionnaire, rédacteur en chef de l’Humanité, membre du Comité central du Parti communiste, député-maire de Villejuif ? Sa jeunesse où rejeté par les fils à papa, il forme à Janson le groupe “Entre nous” avec Raymond Lefebvre, Guy de La Batut et Jean d’Espouy. Sans doute. La rencontre des œuvres de Romain Rolland et d’Alfred Jarry ? Certainement. Sa participation au meeting de Jaurès au Pré-Saint-Gervais en 1913 ? Bien sûr. Mais la guerre, surtout la guerre qui va lui faire découvrir la boucherie en même temps que la réalité sociale… .Et ce n’est pas qu’en politique que Vaillant est révolutionnaire: Tous les sujets qu’il affronte passent à la moulinette de sa critique. René Ballet en cite d’excellents exemples. qu’il présente et commente efficacement.

Claude Lecomte – L’Humanité